Le lien entre cancer et inflammation se resserre

Certains cancers seraient liés à une dérégulation locale de la voie de l'inflammation. C'est ce que vient de prouver l'équipe de recherche de l'unité Inserm 674 - Génomique fonctionnelle des tumeurs solides -, dirigée par Jessica Zucman-Rossi. Le lien entre inflammation chronique et cancer était déjà connu, notamment dans le cancer de l'estomac ou du col de l'utérus mais cette découverte montre pour la première fois qu'une mutation sur le gène codant pour un facteur de régulation de l'inflammation peut être une étape précoce dans l'apparition d'une tumeur bénigne du foie. Ces travaux sont publiés dans l'édition avancée en ligne de la revue
Nature du 19 novembre
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Et si la réaction inflammatoire ne permettait pas toujours de lutter contre le cancer mais pouvait au contraire être un promoteur de tumeur ? De plus en plus de travaux suggèrent ce lien, voire le prouvent. Les récents travaux de l'unité Inserm U 674, apportent une nouvelle pierre à cet édifice. La réaction inflammatoire est naturelle et très utile à l'organisme. Elle accompagne la réaction immunitaire, la rend plus spécifique et contribue à l'élimination de l'agent pathogène et à la réparation des tissus lésés en favorisant le renouvellement cellulaire. Cette réaction est strictement contrôlée par de nombreuses protéines de l'inflammation.

Lorsque la réponse est inadaptée ou mal contrôlée, elle crée à l'inverse des lésions qui peuvent endommager le matériel génétique et favoriser la survenue d'anomalies potentiellement cancérigènes. Des études avaient déjà montré que des personnes ayant des prédispositions génétiques favorisant les phénomènes inflammatoires avaient un risque plus important de développer un cancer. D'autres études ont également montré avec certitude le lien entre inflammation chronique et cancer. C'est par exemple le cas des cancers de l'estomac ou du col de l'utérus.

Le premier se développe suite à une infection bactérienne par Helicobacter Pylori et le second par une infection par un papillomavirus. Dans les deux cas, les agents pathogènes persistent des années dans l'organisme, entraînant une réaction inflammatoire durable. Mais l'étau continue de se resserrer autour de ces deux phénomènes. L'équipe de Jessica Zucman-Rossi vient de montrer qu'une mutation sur un gène codant pour un facteur de régulation de l'inflammation peut constituer une étape précoce de tumorigenèse. L'équipe a travaillé pour cela sur une tumeur rare et bénigne du foie qui affecte le plus souvent des femmes obèses et dont le développement est favorisé par une forte consommation d'alcool. Des médecins avaient constaté, chez des malades ayant ce profil, la présence d'un syndrome inflammatoire, c'est-à-dire d'une quantité importante de protéines de l'inflammation dans le sang. En cherchant l'origine de ce syndrome, les médecins ont identifié chez certains patients une tumeur bénigne du foie. Les cellules de cette tumeur secrétaient une quantité anormalement élevée de protéines de l'inflammation ; mais une fois la tumeur opérée, le syndrome inflammatoire disparaissait, confirmant ainsi le lien entre les deux.

Les chercheurs ont étudié le génome des cellules de la tumeur pour déterminer l'origine de l'inflammation et ont constaté que dans 60 % des cas un gène codant pour un récepteur de l'interleukine 6, une protéine de l'inflammation, était muté alors que ce même gène était intact dans toutes les autres cellules de l'organisme. Ces mutations entraînaient une activation permanente de la voie de synthèse de nouvelles protéines de l'inflammation. Selon le Dr Jessica Zucman-Rossi, ces protéines stimulent de nombreux facteurs de croissance qui entraînent la multiplication cellulaire et favorisent l'apparition de la tumeur. C'est le point de départ de la maladie. Selon cet auteur, on n'est pas en mesure de dire ce qui a provoqué les mutations sur ce gène, ni si elles sont seules responsables de l'apparition de la tumeur, mais vient d'établir, pour la première fois, chez l'homme, un lien direct entre une mutation génétique sur un gène de régulation de la réaction inflammatoire dans les cellules tumorales et les étapes très précoces de la tumorigenèse.

La caractérisation de ce nouvel oncogène (gp130) dans des pathologies rares permettra de rechercher son implication dans d'autres tumeurs inflammatoires plus fréquentes et, surtout, de développer une nouvelle approche thérapeutique pour prévenir l'apparition de ces cancers ou leur aggravation. Ces travaux ont bénéficié du soutien de la Ligue Nationale contre le Cancer, de l'ARC et de l'INCa.

Article Nature -Frequent in-frame somatic deletions activate gp130 in inflammatory hepatocellular tumours-


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Publié le 02-12-2008




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