Inégalités sociales de survenue du cancer du poumon

La consommation de tabac est-elle la seule explication ?

L'incidence du cancer du poumon est généralement plus fréquente au sein des classes sociales défavorisées. Une consommation plus élevée de tabac de ces populations permet-elle d'expliquer entièrement ces inégalités ?
Gwenn Menvielle (Unité Inserm 687/Villejuif), en collaboration avec une équipe européenne de chercheurs, s'est intéressée à cette question dans le cadre de travaux de recherche menés à l'Institut National de Santé Publique et de l'Environnement (RIVM) à Bilthoven et à l'Erasmus MC à Rotterdam (Pays-Bas).

A partir des données issues de la vaste cohorte EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition), les chercheurs montrent que le tabac explique un peu plus de la moitié de ces inégalités sociales et que le rôle de l'alimentation semble négligeable.

Ces travaux, publiés dans l'édition avancée en ligne du 24 février du Journal of the National cancer Institute, suggèrent de rechercher activement d'autres facteurs de risque, notamment environnementaux, au sein des populations les plus touchées par le cancer du poumon.

Le cancer du poumon, avec une incidence de 71,8 cas pour 100 000 chez les hommes et de 21,7 cas pour 100 000 chez les femmes représente la 1ère cause de mortalité en Europe chez les hommes et la 3 ème chez les femmes.

Il existe une association forte entre le risque de survenue d'un cancer du poumon et le niveau d'éducation en Europe, avec les taux les plus forts généralement observés au sein des classes sociales défavorisées, sauf dans le Sud de l'Europe. Bien que la consommation de tabac ait souvent été avancée en tant que cause de ces inégalités sociales, peu d'études ont été menées, et notamment à grande échelle, pour déterminer précisément dans quelles proportions ce facteur intervenait.

Gwenn Menvielle, en collaboration avec une équipe de chercheurs européens s'est donc attachée à mieux comprendre ce qui sous-tendait ces différences sociales, à partir des données de la vaste cohorte européenne EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition). L'échantillon étudié, de par sa taille et la qualité des données recueillies, a permis d'obtenir des informations nouvelles sur la survenue du cancer du poumon, notamment les disparités par sexe, zone géographique et par type histologique de cancer. Au cours d'un suivi d'une durée moyenne de 8,4 ans parmi plus de 390.000 hommes et femmes de neuf pays européens, 939 cancers du poumon ont été diagnostiqués chez les hommes et 692 chez les femmes.

Les analyses menées par zone géographique ont montré que les taux de cancers du poumon sont relativement uniformes en Europe chez les hommes mais deux fois plus élevés chez les femmes d'Europe du Nord que chez les femmes d'Europe du Sud.

Les chercheurs ont constaté que le risque de cancer du poumon diminue globalement en Europe, pour les deux sexes, au fur et à mesure que le niveau d'éducation augmente, sauf en Europe du Sud (Italie, Espagne, Grèce) où les taux de survenue du cancer du poumon sont les plus élevés parmi les femmes les plus favorisées socialement. Globalement, le risque de développer un cancer du poumon est 3,6 fois supérieur chez les hommes et 2,4 fois chez les femmes des classes sociales défavorisées par rapport aux classes sociales les plus favorisées.

Après avoir pris en compte la consommation de tabac dans chaque classe sociale, l'excès de risque des classes sociales défavorisées reste significatif (2,3 pour les hommes et 1,6 pour les femmes). Les chercheurs concluent que les différents niveaux de consommation de tabac permettent d'expliquer un peu plus de la moitié des différences sociales de survenue du cancer du poumon. La contribution de la consommation de tabac aux inégalités sociales de survenue du cancer du poumon est globalement similaire dans toutes les régions de l'Europe et pour tous les types histologiques de cancer du poumon.

Bien qu'il soit impossible de mesurer de façon totalement exacte la consommation de tabac des individus sur plusieurs dizaines d'années, les auteurs estiment qu'il est peu probable que des imprécisions dans cette mesure constituent la seule explication des inégalités sociales restantes. En effet, d'autres facteurs jouent certainement un rôle, comme le suggère le sur-risque de cancer du poumon observé chez les non-fumeurs parmi les populations défavorisées.

Quant à la consommation quotidienne de fruits et légumes, en général associée à une réduction du risque de cancer, particulièrement chez les fumeurs, les chercheurs n'ont pu mettre en évidence aucune contribution de cette consommation aux inégalités sociales de survenue du cancer du poumon observées au sein de la cohorte.

La consommation de tabac n'explique qu'une partie des inégalités sociales observées pour le cancer du poumon, il est donc nécessaire de déterminer quels sont les autres facteurs de risque, notamment l'exposition professionnelle à des toxiques environnementaux, précise Gwenn Menvielle, - l'arrêt du tabac permettrait toutefois d'éviter un nombre considérable de ces cancers du poumon, à la fois dans l'ensemble de la population et parmi certains groupes sociaux. Il est donc indispensable de renforcer toutes les actions de santé publique allant dans ce sens, particulièrement au sein des classes sociales les moins aisées -.

Source : The role of smoking and diet in explaining educational inequalities in lung cancer incidence, Journal of the National Cancer Institute publication


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Publié le 02-03-2009




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