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Atteinte cardiaque du rhumatisme articulaire aigu : sévère sous-estimation dans les pays en voie de développement
Une équipe de recherche internationale coordonnée par Xavier Jouven (Equipe Avenir Inserm, Unité 780 - Epidémiologie cardiovasculaire -), vient de montrer que le nombre de cas de lésions cardiaques, séquelles du rhumatisme articulaire aigu chez des enfants âgés de 6 à 17 ans au Cambodge et au Mozambique était 10 fois plus élevé que les estimations données jusqu'alors par l'Organisation Mondiale de la Santé.
Le rhumatisme articulaire aigu est la conséquence d'angines bactériennes (dues à des streptoccoques) mal soignées. Ayant quasiment disparue des pays industrialisés, cette maladie reste un fléau dans les pays en voie de développement. La méthode de détection utilisée par l'équipe est simple, non invasive et repose sur la réalisation d'échographies cardiaques systématiques par des appareils portables dans les écoles.
Les auteurs proposent donc d'étendre cette méthode de détection, peu coûteuse pour dépister plus précocement ces lésions cardiaques et ainsi enrayer les conséquences graves possibles de cette maladie chez les enfants. Le détail de leurs résultats est publié dans la revue The New England Journal of Medicine datée du 2 août 2007.
Deux enquêtes épidémiologiques distinctes ont donc été menées sur des écoliers d'Asie du Sud-Est et d'Afrique sub-Saharienne (3.677 au Cambodge et 2.170 au Mozambique) âgés de 6 à 17 ans, comparant le nombre d'enfants atteints détectés par simple examen clinique à celui des enfants détectés par échographie cardiaque.
Le rhumatisme articulaire aigu est la conséquence d'angine bactérienne à streptoccoque A. Cette infection, en l'absence de traitement, va provoquer dans un certain nombre de cas une réaction immunologique qui aura pour principale cible le coeur, et plus précisément les valves qui séparent les différentes cavités cardiaques. En cas d'infections répétées non ou mal traitées, ces lésions initialement mineures évolueront vers des dommages cardiaques sévères nécessitant le recours à la chirurgie cardiaque. Jusqu'à présent, la détection des enfants atteints par cette maladie était basée sur le seul examen clinique.
L'échographie cardiaque utilise la technologie des ultrasons, donnant accès à la morphologie du coeur, de ses cavités et des valves qui les séparent. Cet outil peut donc mettre en évidence les lésions cardiaques rhumatismales à leur début, contrairement à l'examen clinique qui ne devient anormal qu'en présence de lésions plus avancées.
Ces 20 dernières années, le rhumatisme articulaire aigu a été quasiment éradiqué au sein des populations des pays les plus favorisés. Ceci a été rendu possible grâce au renforcement des mesures de prévention primaire : traitement antibiotique systématique des angines d'allure bactérienne et amélioration des conditions sanitaires de vie, diminuant ainsi la contagiosité. Par ailleurs, les enfants ayant déjà des lésions cardiaques rhumatismales ont pu bénéficier, dans ces pays, d'une antibiothérapie prolongée jusqu'à l'âge adulte afin d'éviter l'aggravation de ces lésions (prévention secondaire).
Il apparaît donc particulièrement important de détecter précocement ces enfants atteints car il existe un traitement simple, efficace et peu onéreux assuré par la simple prise d'antibiotiques, explique Xavier Jouven. Ce traitement stabilise les lésions cardiaques évitant l'évolution vers des lésions valvulaires plus sévères et l'insuffisance cardiaque, qui nécessiterait le recours à la chirurgie, ajoute t-il.
L'usage de l'échographie cardiaque a donc montré que 9 enfants sur 10 n'étaient pas détectés par l'examen clinique. Etre en mesure de les identifier précocement grâce à cet outil, donne maintenant l'opportunité aux médecins de débuter des mesures de prévention secondaire afin d'enrayer l'évolution de la maladie.
L'identification des personnes atteintes permet également de détecter les foyers endémiques et ainsi, de concentrer dans ces zones d'importantes mesures de prévention primaire.
Concernant l'étude menée à Maputo, capitale du Mozambique, parmi cette population urbaine comprenant environ 1 million d'enfants âgés de 6 à 17 ans, nous estimons donc à plus de 30.000, le nombre d'enfants ayant déjà développé des lésions cardiaques rhumatismales ; la plupart d'entre eux n'ayant qu'une forme débutante de la maladie. A peine 3.000 enfants auraient été détectés si les méthodes de détection usuelles avaient été utilisées, rapporte Eloi Marijon, investigateur principal de l'étude. Ces résultats illustrent l'intérêt de la collaboration entre la médecine humanitaire et les unités de recherche médicale, et aura immédiatement des débouchés importants en termes de santé publique dans les pays en voie de développement.
Ce travail est le fruit d'une collaboration entre deux hôpitaux cardiologiques financés en grande partie par la Chaîne de l'Espoir, fondée par Alain Deloche en 1988 (Institut du Coeur à Phnom Penh, Cambodge et Instituto do Coraçao à Maputo, Mozambique) et des cardiologues des hôpitaux Necker et Européen Georges Pompidou à Paris (Eloi Marijon et Phalla Ou) coordonnés par l'Unité Inserm 780 (Xavier Jouven).
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Publié le 20-08-2007